Le Conseil national de la sécurité routière divisé sur l’expérimentation de la baisse de la vitesse

Une fois de plus, la question de la limitation de la vitesse a divisé le Conseil national de la sécurité routière (CNSR), qui s’est réuni, lundi 8 décembre, à l’Assemblée nationale. En juin, une majorité de ses membres avait réclamé une généralisation de la baisse de la vitesse maximale autorisée de 90km/heure à 80 km/heure sur l’ensemble des routes à double-sens sans séparateur médian, les experts ayant montré qu’elle permettrait de sauver quelque 400 vies par an.
Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, avait refusé d’entériner cette mesure impopulaire. Il avait décidé de ne procéder qu’à une « expérimentation », sur « des segments très accidentogènes ». Mais il ne l’a pas encore lancée, alors même que la mortalité routière est repartie à la hausse, ce qui a suscité de nouveaux mécontentements au sein du CNSR.
A la veille de la réunion plénière, Armand Jung, le président de cette instance consultative, par ailleurs député (PS) du Bas-Rhin, avait pris le soin de déminer le terrain, en faisant savoir que Bernard Cazeneuve entendait annoncer l’expérimentation à la mi-janvier. « Le ministre veut réinvestir le domaine de la sécurité routière, alors que certains pouvaient avoir des doutes sur sa volonté », a insisté lundi M. Jung.
Mais c’est maintenant la manière dont cette expérimentation sera conduite qui inquiète les défenseurs de la sécurité routière. En effet, elle pourrait n’être menée que sur « un nombre limité de routes », et Le Figaro a précisé que ce serait « sur trois axes » seulement, parmi lesquels la route Centre-Europe Atlantique.
Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, a déploré que « le comité des experts du CNSR n’ait pas été saisi, car c’est à lui de déterminer les axes ». C’est du moins ce qu’avait voté le CNSR dans une résolution du 16 juin. Le docteur Philippe Lauwick, président de la commission « alcool, stupéfiants vitesse » du CNSR, a déclaré que « si l’expérimentation ne devait se faire que sur trois secteurs, (il) ferait partie des déçus ». Il a insisté sur la nécessité, pour les pouvoirs publics, d’« expliquer le rôle de la vitesse en accidentologie », et précisé que « les esprits évoluent quand les choses sont expliquées ».
« Azimuté »
A contrario, ceux qui s’opposaient à la généralisation de la baisse de la vitesse ont salué le projet du ministre. Serge Morelli, président de l’association de motards Club 14, vigoureusement appuyé par Daniel Quero, le président de l’association 40 millions d’automobilistes, a ainsi estimé qu'« une expérimentation ne peut pas se faire sur l’ensemble du réseau, sinon, il s’agit d’une généralisation ».
M. Jung ayant indiqué que le ministre annoncerait en janvier « une batterie de mesures tous azimuts », M. Lauwick a exprimé sa crainte que l’expérimentation de l’abaissement de la vitesse ne soit mise « sur le même plan » que des dispositions mineures, telles que la diminution des amendes des cyclistes. « Il faut que le gouvernement fasse des choix et qu’il priorise l’action sur la vitesse, car elle est essentielle pour sauver des vies », a-t-il insisté.
L’accidentologue Claude Got a fait rire une partie de l’assemblée en expliquant que le terme « azimuté » signifie « sans direction, sans boussole », en espérant que ce ne serait pas le cas du ministre. Un humour que M. Jung a peu goûté.
Le CNSR a voté une motion de synthèse recommandant au ministre d’agir en priorité sur la réduction de la vitesse. Il l’a fait par treize voix pour, six contre et neuf abstentions. Le lobby des automobilistes, tout comme Mme Perrichon, a voté contre, jugeant les termes de la motion trop ambigus – le premier souhaitant une expérimentation limitée, la seconde une expérimentation la plus large possible.